Randonnées urbaines et conscience corporelle

Le Corps et la Ville.

Randonnées Urbaines et Conscience Corporelle…

Rencontres de « Cœur et de Corps », dans la Ville.

 

Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé.

Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l’aima? Il cherche son pareil dans le vœu des regards. L’espace qu’il parcourt est ma fidélité. Il dessine l’espoir et léger l’éconduit. Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.

Je vis au fond de lui comme une épave heureuse. A son insu, ma solitude est son trésor. Dans le grand méridien où s’inscrit son essor, ma liberté le creuse. Dans les rues de la ville il y a mon amour. Peu importe où il va dans le temps divisé. Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler. Il ne se souvient plus; qui au juste l’aima et l’éclaire de loin pour qu’il ne tombe pas?

René Char Allégeance Extrait : « Eloge d’une soupçonnée », Poésie/Gallimard
 

Evolution de la Ville, évolutions dans la Ville.

Le temps divisé mais aussi l’espace urbain divisé

« Dans les rues de la ville » : «Or ce schéma baudelairien a perdu de sa force, en même temps que s’épuisait la modernité et que la ville elle-même se trouvait absorbée et défaite en mégapole, réseau, banlieues : La combinatoire et l’interconnexion y prenant le pas sur la dialectique, la saturation des signaux et la bousculade des corps y occultant la lisibilité des signes et des figures. Dans l’horizon contemporain, le bavardage du village global recouvre les bruits et les voix de la ville. Indéfiniment distendue, elle ne donne plus l’échelle ni le plan de l’humaine condition. »

« Aussi la formule dans les rues de la ville, si elle a pu évoquer un espace de modernité peu ou prou aventureuse, tout opposée aux paysages de la nature, est-elle à son tour devenue désuète. La logique circulatoire ne passe plus forcément par-là : elle tourne plutôt autour de la ville, par-dessus ou par-dessous.

On y fait l’économie de la rue et l’on accède directement du parking souterrain au centre commercial. La rue elle-même cède la place aux grands axes véhiculaires, et aux cheminements obligés et fonctionnels dans des espaces types, des espaces prothèses : voie piétonne, couloir cycliste, galerie marchande, avec animation obligées, semaines commerciales et vasques fleuries tout l’été de cascades de géraniums roses à fleurs doubles… itinéraires chichiteux, ou le flâneur ni l’imprévisible n’ont plus leur place puisque tout y est à la fois « mignon », convenu, préconçu, déjà vu et indéfiniment reproductible et transportable… ailleurs. C’est le modèle Decaux de la cité moderne… //

« Dans les rues de la ville disait-on. Mais y a–t-il encore des rues quand ainsi prolifèrent les « circuits intégrés » et quand la ville elle-même se parcellise et se sectorise, de moins en moins corps et de plus en plus mosaïque, de moins en moins un organisme, et de plus en plus une machine ».        Jean Michel Maulpoix

 

 

Diogène cherchant un homme

Van Everdingen. Diogène cherchant un homme

 

Du Superficiel et du Virtuel au « Présentiel » En ville…

Conscience corporelle, conscience de soi, conscience de l’autre.

Lorsque je vois les gens dans la rue, à quelques exceptions près, je les trouve  »comme enfermés » dans leurs sacs de fringues et de peau… [1] Sans parler de cette jeune fille croisée récemment à Pau rue Serviez téléphonant d’une main, cigarette allumée dans l’autre qui m’a touchée avec sa cendre brûlante sans même s’en rendre compte. Vapoteurs, vapoteuses, connectés et « branchés », (Je vapote donc je suis ! ) fiers de vos petits nuages élégants, soyez les bienvenus.

Une autre fois dans le joli parc de la Villa Ridgway, un jeune homme assis sur un banc écouteurs vissés sur les oreilles, yeux rivés sur l’écran de son smartphone, coupé de son environnement et insensible à la beauté du lieu. Digital intox !

Ou bien encore, sur les berges du gave, cette joggeuse walkmanisée robot trotteur, isolée dans sa « zizique », imperméable au « chant du monde » et aux autres. Les nouvelles tribus des « enfermés dehors » ?                             D’une façon générale, cette non conscience de soi et de l’environnement, est aussi responsable des papiers et déchets en tout genre jetés dans les rues et les parcs (Kleenex, btes de Pizza éventrées, canettes de bière ou de Coca, mégots …)

Revenant au « présentiel » et au relationnel, ne plus avoir peur du regard de ‘’l’autre’’. Sortir du conditionnement des conversations ou échanges virtuels par écran interposé du « monde Facebooké », pour retrouver le plaisir de dire simplement bonjour avec un sourire. Ceci ne pouvant se faire tant par une éducation appropriée que par une prise de conscience de chacun. Bien peu par des injonctions extérieures, car décrété, « Le vivre ensemble, devient le nom de code de l’incivilité ». [2]

L’expérience consciente du corps développe la confiance en soi et l’empathie. L’image du corps cessant d’être prégnante, d’autres possibilités de dialogues peuvent s’ouvrir. Réapprendre à marcher en ville, tranquillement, regardant autour de soi avec bienveillance peut être un point de départ. L’expérience bénéfique de se parler un moment dans un esprit d’ouverture quand on « le sent », comme on le ressent…

Dans ces déambulations urbaines, il arrive au fil de rencontres,[3] d’échanger spontanément dans divers registres,    avec des passants, et partager aussi quelques éclats de rire.. Eloge de la surprise et de l’inattendu !

 

 [1] Comparativement avec les comportements naturels des cubaines ou des cubains des rues, boutiques, et marchés de la Havane, dans leur manière de se vêtir et de bouger, le vêtement n’accompagne habituellement, que les mouvements sensuels,de corps libres et vivants…  Au début d’un premier cours que j’ai pu commencer à donner à La Havane il y a une dizaine d’années, j’ai déclaré aux cubaines et cubains surpris,que Cuba était le Pays des Corps. (J’ai développé ce thème dans un texte «Cuba Humanité vivante et Précarité heureuse ») Concernant la précarité heureuse, que le Yoga était également : « Art » de faire plus avec moins.
 
[2] Alain Finkielkraut.
[3] Voyager, c’est être infidèle. Soyez-le sans remords; oubliez vos amis avec des inconnus. Paul Morand
 

 

 

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Villa Ridgway

 

Marche et YOGA

« Si le bonheur est dans la marche il est surtout dans la façon de marcher. Il y a une façon de marcher qui fait de nous des touristes. Une façon de marcher qui fait de nous des randonneurs, une façon de marcher qui fait de nous des pèlerins.

Il ne s’agit pas d’opposer l’un à l’autre. Marcher comme un touriste c’est peut-être marcher sur l’écorce, l’écorce de la terre. Marcher comme un randonneur c’est connaître la sève de ce monde, entrer dans cette sève, ce mouvement, dans cette énergie même de l’univers et revenir le soir avec les senteurs de la nature, les sons de la forêt, la beauté des paysages. Marcher comme un pèlerin, c’est marcher avec le souffle qui donne vie à la sève, Avec ce qui nous anime et nous permet de nous tenir droit dans la lumière. » [1]

La marche n’est pas une simple thérapeutique, Mais une activité poétique qui peut guérir le monde de ses mots. [2] 

Seules les pensées qu’on a en marchant valent quelque chose. [3]

 

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 Le marcheur n’a pas de chemin, Le chemin se fait en marchant. [4]

 

 

[1]   Jean Yves Leloup

[2]  Bruce Chatwin écrivain voyageur.

[3]  Nietzsche

[4]  Antonio Machado

 

 

Un Jardin « extraordinaire »… Le Jardin de Kofu

 

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Marcher lentement, savoir s’arrêter, contempler…

 

Situé à proximité du square Besson, ce jardin japonais inauguré le 27 septembre 2005 par Masanobu Miyajima maire de Kofu, et l’ancien maire de Pau André Labarrère, invite au recueillement et à la contemplation. La cascade qui desservait et animait le petit cours d’eau a été rétablie et contribue à une énergétique du lieu. Sous les grands séquoias majestueux, les pierres dressées entourées d’azalées, érables et autres arbustes, assurent une continuité… [1]

En oct. 2015 – En présence de Yuichi Higuchi, nouveau maire de Kofu, et de François Bayrou, maire de Pau, a été planté un Sakura [2] (cerisier japonais) pour commémorer les 40 ans du jumelage avec la ville japonaise de Kofu.

 

 

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[1] l’ajout récent, d’une petite structure en bambou, sert de support à un Haïku en en rappelant une définition assez juste. Mais, à proximité, en continuant la marche, dommage cet excès d’informations-étiquetages-Haïkus, car sur d’autres supports en ardoise, au pied de quelques arbustes et du Sakura (planté par Izumi San)… Intrusion excessive du « Verbal » dans le domaine de la perception, et du recueillement qui est l’ambiance habituelle du jardin japonais… C.S

[2]  Le Sakura ne donne lors de la floraison,  que sa beauté. Les fleurs ne donnent pas de fruits, symbolisant ainsi le détachement, l’action désintéressée. Le « mu-shoto-Ku »  (dans le Zen Soto)

 

Quatre concepts de l’esthétique japonaise,  pour une perception qualitative du monde, et vivre pleinement l’instant présent.

 

De l’art du Thé, à l’Ikebana, l’art des Haïkus, en passant par différentes pratiques et philosophies sous-tendues par le Shinto, le Taoïsme, et le Bouddhisme Zen, et sans oublier les divers arts martiaux, la culture japonaise est fascinante. Cette culture très riche, est profondément ancrée dans des traditions millénaires, mais repousse sans cesse les limites grâce au progrès technologique.  Plusieurs concepts de l’esthétique japonaise font partie intégrante de notre vie quotidienne.

Wabi-Sabi : Wabi fait référence à ce qui est éphémère et sabi désigne la beauté de la patine naturelle et du vieillissement. Au fil du temps, ces deux termes se sont réunis dans l’expression Wabi-sabi qui désigne l’acceptation de la fugacité et de l’imperfection du monde matériel et la capacité à en apprécier la beauté. Cela semble bien loin de l’obsession occidentale pour la jeunesse et la perfection. Wabi–sabi incarne la beauté de ce qui est simple, naturel, subtile et imparfait et qui échappe aux conventions.

Yugen : c’est le plus ineffable de tous les concepts de l’esthétique japonaise, mais il n’en est pas moins présent dans notre vie de tous les jours. Le mot Yugen (d’origine chinoise) signifie « mystérieux ». Derrière lui se cache le charme subtil ou la beauté profonde des choses. Pour illustrer ce concept, les poètes Yugen utilisent des images de la nature pour exprimer métaphoriquement ce qui peut être dit mais ne l’est pas : « Regarder le soleil se coucher derrière une colline en fleurs. Errer dans une immense forêt sans penser au retour. Se tenir sur la plage et regarder un bateau disparaître derrière des îles lointaines. Contempler le vol des oies sauvages qui apparaissent et disparaissent derrière les nuages. Et les ombres subtiles du bambou sur le bambou. » Zeami Motokiyo

Mono no aware : « l’empathie envers les choses » est un autre concept complexe de l’esthétique japonaise qui fait référence à la beauté de l’éphémère. La fugacité de tout ce qui nous entoure est une cause de tristesse, mais qui nous aide à prendre conscience que nous sommes vivants. C’est une fois encore la nature qui illustre le mieux cette idée, notamment la floraison des sakuras (cerisiers du Japon) aussi appelée « hanami », l’une des plus célèbres fêtes japonaises. Les fleurs de cerisier ne sont pas plus belles que celles des poiriers ou des pommiers, mais elles sont plus appréciées en raison de leur caractère éphémère (elles ne durent en effet généralement qu’une semaine). C’est précisément l’évanescence de leur beauté qui évoque le sentiment mélancolique de mono no aware chez celui qui les contemple.

Sabi-Wabi, Yugen-Aware (Autre interprétation simplifiée, selon K. White – « La figure du dehors ») Sabi : Tranquillité, solitude. Wabi : Sans prétention, désencombré. Yugen : Sensation profonde des choses. Aware : Sens d’unité indéfinie…

 

 

« Si le grand givre, n’a pas mordu les branches, comment les fleurs de prunier peuvent-elle être odorantes … »     Kenneth White, prose pour le col de Marie Blanque… 

 

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Thé et YOGA

Relation Thé et Yoga.

Une Complémentarité.

Boire du Thé peut être un art subtil de développer notre perception du monde et de la beauté. [1] La pratique du Yoga permet également d’aiguiser nos sens.

Le Yoga, comme le thé dans la tradition du « Chanoyu » est une économie et une précision de gestes et de mouvements qui nous relient à l’instant présent.

Thé et Yoga augmentent la vigilance, l’acuité de notre conscience, et améliorent notre santé. Il y a complémentarité.

Prendre le thé, c’est « prendre le temps ». Ce temps que nous n’aurons jamais si nous ne décidons pas de le prendre. C’est donc également l’art devenu difficile de « s’arrêter » Dans notre monde bruyant et agité régi par la tyrannie de la vitesse.

Thé et Yoga n’opposent pas méditation et action, ils les conjuguent et les affinent. Faire une pause, se détendre, n’est pas une fin en soi, mais permet de mieux Controller « l’état de marche ».

Le thé, est l’art de la simplicité. Le Yoga est aussi art de se désencombrer pour aller à l’essentiel. [2]

C.S

 

 

[1] Okakura Kakuzo : Le livre du Thé.

[2] Claude Sanson  :  « Thé et Yoga » au stade Blanchard (CE-Total) réalisé avec la participation de « L’Amateur de thé » et d’Izumi San maître de thé et musicienne (Koto),  Le 16 septembre 2010.