NOTRE CORPS, PREMIÈRE RÉALITÉ

« Si l’homme n’existe qu’à travers les formes corporelles qui le mettent au monde, toute modification de sa forme engage une autre définition de son humanité.
Si les frontières de l’homme sont tracées par la chair qui le compose, retrancher ou ajouter en lui d’autres composantes métamorphose l’identité personnelle qui est la sienne.

Les limites du corps dessinent à leur échelle l’ordre moral et signifiant du monde. Penser le corps est une autre manière de penser le monde.
Si le corps n’est plus la personne, s’il est tenu à l’écart d’un individu au statut de plus en plus indécidable, si le dualisme ne s’inscrit plus dans la métaphysique, mais décide du concret de l’existence, c’est toute l’anthropologie occidentale et tout l’humanisme implicite et explicite qu’elle soutenait qui s’effondre alors. Le corps est aujourd’hui un enjeu politique majeur, l’analyseur fondamental de nos sociétés contemporaines. »

David le Breton Anthropologue et Sociologue Université Marc Bloch de Strasbourg

singes

« Mieux vaut voir le visage qu’entendre le nom » – Kenneth White *

Corps, Corps sportif, Corps Image

A partir de maintes observations et repères issus de différents environnements, divers publics, depuis une cinquantaine d’années, principalement dans l’enseignement du Yoga, j’affirme que les rapports que nous avons avec notre corps ont changé.
Tout d’abord parce que l’on se sert moins de son corps dans le quotidien (moins de travaux physiques, plus de voitures, de machines, d’ascenseurs, etc.)
Ensuite, parce que les pratiques sportives y changent peu. De plus, pour être valables, elles sont souvent l’affaire de professionnels œuvrant dans des secteurs spécifiques.

Ces pratiques bénéfiques à bien des égards, aboutissent plus ou moins selon les disciplines, malgré des compléments ou des compensations comme par exemple la marche, le jogging, ou autres… à une spécialisation d’aptitudes corporelles : compétition, sports de haut niveau, etc.
Enfin, même si le corps est exercé et mis à contribution, la pratique du sport surtout avec public présent ou retransmission télé, reste toujours développée dans un sens plus ou moins narcissique et en fin de compte souvent orientée vers « le corps image »  ( Le spectateur crée le spectacle) [1]
Dû en partie à l’altération de nos facultés de perception, ces changements concernent donc une prédominance accrue de l’image du Corps, aux dépens du vécu corporel. Nous devenons superficiels, car nous vivons  » Sauf quand ça fait mal  » à la surface de nous même, (mis à part certaines perceptions physiques et organiques agréables). Nous sommes de plus en plus victimes de la « Tyrannie de l’apparence » [2], et d’autant plus vulnérables que nous sommes privés de « points d’appuis » intérieurs.


[1]« Le spectateur induit le spectacle », et la compétition est aussi un « Show » C.S
[2]« L’obsession de devenir toujours plus mince est celle de devenir image, donc transparent, de l’idéalité désincarnée qui est celle des stars. La désincarnation est le prix payé pour l’immortalité, l’extrême minceur étant la seule façon de traverser la mort. » Jean Baudrillard, Cool memories III
Voir également « la gratification narcissique » Henri Laborit « Eloge de la fuite »

page suivante→

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *